Par Annik Bélanger, intervenante en soins spirituels, 1er décembre 2022
CHSLD Rivière-du-Loup et De Chauffailles
Dans le pignon de ma vieille et belle maison, un espace ouvert aux murs parsemés de jolis dessins d’enfants et de poésies auxquelles j'aime me joindre le temps d’un instant. Dans ce lieu, mon bureau de travail et une fenêtre. À ce moment précis, mes pensées divaguent. Je vois, sans la voir, la pluie s’abattre sur le verre. Je sens les larmes qui ruissellent sur mes joues.
Je réfléchis à mes accompagnements psychosociaux auprès des marginalisés autant qu’auprès des aînés. Je réentends cet homme me dire – et ça semble se répéter en boucle dans ma tête – « c’est comme ça qu’on fait les suicides chez les vieux ». Je réalise le parcours de l’intervenante que je suis qui gravite dans les sphères obscures, incomprises et inexplorées de l’itinérance et de la marginalité. Je me pose mille et une questions sur ce qui les tient encore en vie après un parcours tel que le leur. Je comprends, par leur confidence, la foi qu’ils portent, mais surtout, celle qui les porte! Je conscientise à cet instant que, quelque part en moi aussi, la foi existe. Naissent alors, dans une série longue et patiente d'interprétations, de larmes et de dénis, des révélations. Je vais de découverte en découverte vers un passage obligé. Rendue là, je ne peux plus reculer! Ces révélations trouvent une voix et un sens afin que je cesse de les ignorer. Comprenant les liens existants entre ces gens et ma propre histoire, saisissant que je peux être et que je suis, à la fois l’objet et le sujet de ma propre quête de vie et de sens.
Ainsi, reconnaître la portée de l’expérientiel dans mes accompagnements et aujourd’hui, prenant place au milieu ces personnes accompagnées, je ne peux faire autre que d’habiter pleinement mon champ d’intervention. Intégrer à part entière ce métier d’intervenante en soins spirituels dans lequel je me croyais d’abord imposteur dans une posture d’incroyante. Vivant complètement et abondamment de mes expériences, me laissant vibrer et imprégner par elles, je saisis l’opportunité que j’ai de pouvoir avoir accès à leur intime qu’ils choisissent de partager avec moi. Cet intime qui me permet de grandir et de me laisser émouvoir par ces passages vécus et desquels j’ai tant résisté à observer et à en tirer profit. « Réfléchir sur sa pratique n’est pas toujours facile, c’est déstabilisant de se regarder, de s’observer et de s’analyser. Il faut que cette démarche ait suffisamment de sens pour soi, pour le faire et surtout pour persister dans cette voie2». Je choisis donc de vivre pleinement la tâche offerte de Dieu et d’accompagner le sens et la spiritualité de l’autre, quel qu’il soit.
Notes
1 Lamartine, Voyage en Orient, tome 2, 1835, p.260.
2 Pilon, Jean-Marc. Une formation universitaire d’orientation praxéologique: démarche de développement professionnel et de transformation personnelle, Vol. 8, no 2, automne 2004, p. 78.